Dans une logique d’innovation ouverte les entreprises ne doivent pas hésiter à s’appuyer sur les connaissances et technologies développées par d’autres (Chesbrough, 2003; Loilier et Tellier, 2011; Isckia et Lescop, 2011). Le crowdsour-cing constitue une modalité d’accès possible à des connais-sances externes pour les organisations. C’est une pratique managériale qui consiste littéralement à externaliser des acti-vités à la foule, c’est-à-dire vers un grand nombre d’acteurs anonymes (à priori) (Howe, 2006).
La littérature s’est jusqu’à présent efforcée de souligner les modalités pratiques du crowd-sourcing et l’intérêt que peut représenter cette stratégie par rapport aux autres alternatives comme la réalisation en interne, l’externalisation classique ou l’innovation en réseaux (Sawhney et Prandelli, 2000; Sawhney et al., 2005; Nambisan et Sawhney, 2007; Ågerfalk et Fitzgerald, 2008; Pisano et Verganti, 2008; Trompette et al., 2008; Guittard et Schenk, 2010).
Pourtant, le plus souvent, en ce qui touche aux activités innovantes, aux tâches complexes ou créatives, les pratiques de crowdsourcing restent marginales et ne représentent qu’une part négligeable de l’activité de recherche des entreprises. En dehors d’exemples emblématiques (Procter & Gamble) et d’anecdotes originales, nous n’avons pas connaissance d’étude empirique mettant en évidence la pratique systématique et à grande échelle de stratégies de crowdsourcing d’activités inventives (CAI dans la suite). Une explication possible est que ce phénomène, tout récent, n’en est qu’à ses débuts, et qu’il va prendre son essor dans les années à venir. Une autre explication est que le CAI se heurte à des problèmes orga-nisationnels majeurs qui limitent son application à certains contextes bien particuliers. Cet article se propose ainsi d’explorer les limites des pratiques de CAI à la lumière des théories sur les frontières.